Voyage au coeur du parc national de Fulufjället en Suède – suite

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Vieille, lisse, érodée par les glaces-bulldozers de la dernière période glaciaire, on aurait dit une montagne préhistorique. Pas plus de 200 ou 300 mètres plus haut que le plateau sur lequel nous marchons. Le sommet le plus élevé atteint 1044 mètres. Face à nous, dans une faille taillée dans le flanc de la montagne, la plus haute cascade de Suède, Njupeskär, se jetait dans le vide, chutait sur plus de 90 mètres avant de s’écraser sur les gros blocs de glace en contrebas. A moitié libérée de l’emprise du gel, la cascade semblait perdre sa mue, comme les animaux à cette époque de l’année.

Plus haut, sur le vaste plateau de Fulufjället, les conditions étaient encore très hivernales. En quelques minutes, le temps s’est couvert et de grosses bourrasques de neige se sont mises à déferler sur la région. On repassait du printemps à l’hiver.

Les cabanes de pêcheurs, installées au bord de l’un des trois petits lacs gelés, faisaient barrage à la petite tempête et nous nous sommes abrités sous une avancée de toit pendant quelques dizaines de minutes.

Parc national de Fulufjället  : une Nature sans entraves

Le lendemain, la neige avait une nouvelle fois disparue. L’occasion, pour le garde du parc, de m’entraîner sur les traces des nombreux animaux qui peuplent le parc.

En cette saison, les ours sortent de leur tanière : les mâles d’un côté, les femelles avec les nouveaux-nés de l’autre. Par endroits, nous croisions, dans les sous-bois humides, des sortes de cuvettes d’un à deux mètres de profondeur, remplies de feuilles et d’aiguilles de pins, dans lesquels les plantigrades ont passé l’hiver. Sur la terre molle, des empreintes de pas trahissaient le passage récent de l’un d’eux.

Fulufjället renferme une grande population d’ours, comparé au reste du pays. Ils ont trouvé, sur ce territoire relativement à l’écart des routes et des milieux urbanisés, un écosystème sain et protecteur dans lequel les populations se développent rapidement. Une équipe de scientifiques est responsable du suivi de ces populations : trop d’ours dans la région pourrait devenir un réel problème, sachant que plus de 100 000 visiteurs fréquentent les sentiers de Fulufjället chaque année.

La journée de promenade fut interrompue par un violent orage de pluie. On rentrait chez Staffan, près du petit village de Sarna. Dans son chalet de bois, en surplomb au-dessus de la rivière Osterdalälven, il me racontait les cycles naturels de la forêt, les animaux qui la peuplent, la nouvelle gestion et les techniques de coupe du domaine forestier suédois.

On est resté à discuter devant sa cheminée pendant plusieurs heures, en sirotant du vin français. Pendant quelques années, il avait été trappeur, dans le grand nord canadien. Sa collection de peaux, accrochées aux murs ou utilisées comme tapis, attestaient de ce passé nord-américain. Ours, cerfs, élans, il avait traqué les grands mammifères sur les terres du nouveau monde. Bizarrement, sa passion pour la chasse était égale à celle pour la protection de la nature. Tuer des animaux n’était pas incompatible, pour lui, avec leur sauvegarde. « Tout est une question de gestion, m’avait-il dit. Lorsque les grands prédateurs ont été exterminés par une chasse trop intensive, il faut bien que nous régulions les populations d’ongulés, comme les cerfs, les élans… »

Nous avons passé quelques jours ainsi, à nous promener dans le parc, à la recherche des traces de la faune sauvage. Et puis Staffan m’a proposé d’aller suivre la transhumance des rennes, dans le nord. En 3 secondes, c’était décidé. On partirait à 3 heures le lendemain matin.