Yukon : sur les traces du « dernier trappeur »
Voisine de l’Alaska et du territoire de nunavik, le Yukon demeure une destination privilégiée pour les expéditions en traîneaux à chiens. Autrefois terre d’aventure pendant la ruée vers l’or, la région a su préserver son caractère sauvage. Très vite, la magie des lieux opère…. et plonge le voyageur dans l’univers de Jack London.
En ce matin de mars, dans l’air sec et bleu, la neige croustille sous mes pas. Un employé du ranch m’attend à l’aéroport de la ville de Whitehorse, capitale du territoire du Yukon. Direction Sky High Valley, situé à 20 kilomètres au sud de Whitehorse sur la route de Fish Lake.
A travers la fenêtre du pick-up, la beauté des paysages s’observe à l’état pur : lacs glacés, denses forêts de conifères et sommets enneigés d’un blanc uniforme presque aveuglant sous le soleil. La région me donne déjà un délicieux goût d’ailleurs.
Emmitouflée des pieds à la tête dans une combinaison aussi chaude qu’inélégante, calée dans des bottes de trappeur, je suis enfin prête pour l’expédition.
Avec le musher et les chiens de traineau
J’arrive enfin à destination. Seules quelques cabanes en bois indiquent que le lieu est habité. Ici, pas d’eau courante ni d’électricité …. Le chalet, éclairé au propane, est chauffé par un grand poêle qui trône au milieu de la pièce. L’endroit se veut très cosy. Je fais connaissance avec Ian, qui sera mon guide ou « musher » pendant cinq jours. Peau burinée par le grand air, ce grand gaillard à la cinquantaine chaleureuse vit ici depuis trente trois ans. « La nuit s’annonce propice pour une aurore boréale » me livre t-il. En effet, quelques heures plus tard, le ciel se colore. Le spectacle est captivant.
Le lendemain matin, je m’équipe de vêtements adaptés aux températures du Yukon qui peuvent descendre jusqu’à –30° C la nuit. Emmitouflée des pieds à la tête dans une combinaison aussi chaude qu’inélégante, calée dans des bottes de trappeur, je suis enfin prête pour l’expédition.
Ce n’est pas moins d’une centaine de chiens qui m’attendent. Ian m’explique comment les harnacher, les atteler et conduire le traîneau. Afin d’aider les chiens, parfois, il faut donner de l’élan à tout l’attelage, courir, derrière le traîneau, le pousser dans les montées, se pencher dans les courbes, puis appliquer les freins dans les descentes. Je dois aussi connaître quelques termes pour donner des ordres à mes chiens tels que « Gee » pour droite, « Haw » pour gauche, « Hike » pour avancer et « Whoa » pour s’arrêter.
Pendant ce cours express, les chiens s’impatientent et hurlent comme des loups. Il est temps de mettre en pratique ce que m’a enseigné mon « musher ». J’attèle mes chiens. En tête Sugar, une jeune chienne fringante et Dude, un mâle dominant, sont mes leaders. Puis, à l’arrière, DeWalt et Mayo, deux compères qui se connaissent bien.
C’est parti pour l’expédition dans le Yukon
Le poil vif, la queue frétillante, les oreilles dressées au vent, ce petit monde ne demande qu’à partir. Les chiens s’élancent et, soudain, tous les autres se taisent. Ils ont compris qu’ils ne partiraient pas cette fois. À la surface du lac, le traîneau glisse dans un bienfaisant silence que seul rompt le bruit du frein. L’horizon s’étend…. le souvenir de la ville s’estompe. La déconnexion est totale. Retour à la cabane, un dîner bien mérité est préparé. Ce soir, un ragoût maison attise mes papilles.
Après une nuit réparatrice bercée par le calme rare du domaine, je vais nourrir mes chiens et les cajoler. Ils l’ont bien mérité. Déjà, des liens se tissent entre nous. Aujourd’hui, direction Jackson Lake et Copper Haul Road. Une distance de 35 km… Le paysage, composé de lacs, d’arbres et de plaines parées de leurs manteaux d’hiver, défile lentement. Une ascension m’oblige à descendre de mon traîneau et à le pousser. C’est épuisant et les chiens ont dû mal à avancer tellement la pente est raide… Je reprends mon souffle, quand mon regard est happé par la beauté d’une vaste étendue de neige crémeuse, sur laquelle les rayons du soleil viennent ricocher. C’est ça le Yukon, plus beau et sauvage encore que j’aurais pu l’imaginer.
Le troisième jour, j’emprunte une vieille route minière abandonnée, située dans la montagne MacIntire à l’Est de Sky High Valley. De toutes parts, des traces d’orignaux, de caribous, de lièvres et de lynx. Un tétras des savanes s’envole bruyamment. J’aperçois également, au flanc de la montagne, des chèvres sauvages. Les traîneaux glissent en chuintant. Tout à coup, une descente abrupte me surprend. Il faut rester dans la trace ! Je mets tout mon poids sur la grille du frein. Les chiens tirent furieusement. Ca va vite… Trop vite. Je me rappelle qu’en cas de chute, je dois m’accrocher : les huskies ne s’arrêtent pas. Je dois mettre un genou sur un patin, puis l’autre et remonter centimètre par centimètre. Finalement, je ne tombe pas.
Mon séjour touche à sa fin. Ian prévoit que l’on pêche sur le lac gelé de Bonneville pour le dernier jour. Il creuse alors un trou dans la glace de plus d’un mètre d’épaisseur et plante une brimbale, fil à pêche greffé à un petit balancier en bois. Pendant ce temps, je décide de m’aventurer sur le lac gelé. A la fois fascinée et effrayée, je glisse sur cette étendue translucide. Tout d’un coup, un bruit sourd déchire le silence. Je regarde la surface…..se déroberait-elle sous mes pieds ?… Puis, je me rends compte que le lac est fissuré et craquelé de partout. Début de panique…. « Ce n’est que le lac qui travaille tranquillement » m’apprend Ian à mon retour. Quelques instants plus tard, nous sortons deux grosses truites du trou de glace. Ce soir, je vais me régaler….
L’heure du départ est imminente. Les yeux brillants et le sourire jusqu’aux lèvres, je réalise que mes adieux sonnent faux. Comme des centaines d’autres avant moi, je ne repars qu’à moitié.
Fiche d’identité
Le nom « Yukon » tire son origine du fleuve Yukon. D’origine amérindienne, Yukon provient de Yu-kun-ah, qui signifie « grande rivière » en langue Athapaska.
Le Yukon est un territoire fédéral du Canada qui couvre 474 7111 km², soit 4,8% de la surface totale du Canada. On y trouve 281030 km² de forêts et 4 480 km² d’eau fraîche. Ce qui en fait le plus petit des trois territoires canadiens (après le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest). Jusqu’en 1898, le Yukon faisait partie des Territoires du Nord-Ouest. Détaché des Territoires, le Yukon devint un territoire autonome en 1898. Sa capitale est Whitehorse depuis 1953.
Le territoire du Yukon est situé à l’extrémité nord ouest du Canada, dans la cordillère canadienne, ceinture montagneuse qui longe la côte pacifique du continent nord-américain. Le territoire est séparé de la côte pacifique par une bande de terre appartenant à l’Alaska. Le Yukon ressemble à un triangle rectangle qui a pour côtés ses frontières avec l’Alaska à l’ouest, avec les Territoires du Nord-Ouest à l’est et au nord, et avec la Colombie-Britannique au sud. La pointe la plus septentrionale de ce triangle donne sur la mer de Beaufort, dans l’océan Arctique.